BARGONI

2015

La peinture, objet du désir. Innombrables furent ses déclarations d’amour à la peinture, Bargoni en est un amoureux constant. Inspiré par les lieux dont les traces sensibles ont nourri sa vision, ils définissent les différentes périodes de son art. Il y eut les blancs et bleus légers, mémoires d’Obidos, les transparences cristallines des marais salants de Mon- zia, les ors et les bleus profonds des mosaïques à Ravenne. Le retable d’Issenheim l’envouta longtemps, au point qu’il lui rendit deux ou trois visites par an. Son époque la plus tragique y trouve son origine. Le rouge et le noir en lutte, déchirent ‘’ cette obscure clarté qui tombe des étoiles ‘’, recherche d’une équivalence au drame pathétique qui se joua sur le Golgotha. Cette tension le laissa épuisé. Le sud Tunisien, la douceur de ses oasis lui offrirent leur euphorie compensatrice, parenthèse de Tozeur, la plus heureuse à ce jour. Mille soleils se glissent au travers des palmes, s’attardent sur les étalages des souks exubérants caressants, fantasques, virevoltants, ils éveillent la palette qui se réchauffe aux couleurs de l’orient. Les toiles disent le bonheur de gouter à ses joies simples, apaisantes pour l’âme et le corps. A son retour en Italie, un projet se réalise, un très grand atelier est enfin trouvé. Posé dans une campagne plate, sans intérêt ni pittoresque, seule la lumière l’habite. Dans cette solitude, face à face avec son art, s’élabore le moment le plus hautement pictural de son parcours. Tous les moyens techniques qu’il a maitrisés, le questionnement des maîtres dont il a voulu comprendre les secrets, les pourchassant dans tous les grands musées d’Europe, vont pouvoir s’unir pour servir le langage plastique le plus exigeant.

BARGONI

Aucun discours ne peut se greffer sur ses dernières œuvres. Est-ce en action la volonté forcenée de s’emparer de la peinture, cette rebelle, de la vaincre, de la plier à ses désirs. Elle palpite sous la caresse des brosses enfiévrées, les pinceaux, voraces, habiles, s’approprient une matière sensuelle domptée. Des blancs experts éclaboussent le rouge profond des laques de garance qu’ils amènent jusqu’à la pointe extrême de leur vibration. Le danger est permanent entre le trop et le trop peu, l’équilibre et le déséquilibre, l’excès stimulant dont le débordement non contenu peut faire effondrer l’œuvre. Mais il n’y a d’artiste qu’en état et en temps de risque.  Une force se déchaine pour un acte de possession savamment maitrisé où la peinture est la proie consentante d’un acte sexuel sublimé. C’est ainsi que de Tintoret à Van Gogh, les plus grands l’ont traitée. Le conservateur de la Fondation Alberoni de Piacenza, qui s’enorgueillit de posséder une des versions du Christ à la colonne d’Antonello da Messina, a programmé une exposition Bargoni où il voisinera sur les cimaises avec quelques œuvres du XVI et XVII siècle dans un dialogue harmonieux et enseignants. Magnifique défi, offert à un artiste, au faite de son art. (Laurence Izern) 

Giancarlo Bargoni